Trial JUPITER

Titre officiel :

Justification for the Use of Statins in Prevention: an Intervention Trial Evaluating Rosuvastatin

Date de publication :

13 octobre 2005

Durée :

Initialement prévue de 5 ans, mais interrompue prématurément au bout de 1,9 ans

Participants :

JUPITER était une étude randomisée, en double-aveugle, multi-centre réalisée sur 1315 sites dans 26 pays. De par sa conception, la population étudiée a été diversifiée : 6801 des 17 802 participants étaient des femmes (38,2 %) et 4485 (25,2 %) étaient noirs ou hispaniques. L’aspirine a été utilisé par 16,6 % des participants et 41,4 % avaient un syndrome métabolique. Dans les groupes rosuvastatine et placebo, le taux de cholestérol LDL médian était de 108 mg par décilitre (2,8 mmol par litre), le taux de cholestérol (HDL) était de 49 mg par décilitre (1,3 mmol par litre) et le taux de triglycérides était 118 mg par décilitre (1,3 mmol par litre) ; le niveau de protéine C – réactive ultrasensible était 4.2 et 4.3 mg par litre dans les groupes rosuvastatine et placebo, respectivement.

Sponsor :

AstraZeneca

Conflits d’intérets :

Dr. Ridker reports receiving grant support from AstraZeneca, Novartis, Merck, Abbott, Roche, and Sanofi-Aventis; consulting fees or lecture fees or both from AstraZeneca, Novartis, Merck, Merck–Schering-Plough, Sanofi-Aventis, Isis, Dade Behring, and Vascular Biogenics; and is listed as a coinventor on patents held by Brigham and Women’s Hospital that relate to the use of inflammatory biomarkers in cardiovascular disease, including the use of high-sensitivity C-reactive protein in the evaluation of patients’ risk of cardiovascular disease. These patents have been licensed to Dade Behring and AstraZeneca. Dr. Fonseca reports receiving research grants, lecture fees, and consulting fees from AstraZeneca, Pfizer, Schering-Plough, Sanofi-Aventis, and Merck; and Dr. Genest, lecture fees from AstraZeneca, Schering-Plough, Merck–Schering-Plough, Pfizer, Novartis, and Sanofi-Aventis and consulting fees from AstraZeneca, Merck, Merck Frosst, Schering-Plough, Pfizer, Novartis, Resverlogix, and Sanofi-Aventis. Dr. Gotto reports receiving consulting fees from Dupont, Novartis, Aegerion, Arisaph, Kowa, Merck, Merck–Schering-Plough, Pfizer, Genentech, Martek, and Reliant; serving as an expert witness; and receiving publication royalties. Dr. Kastelein reports receiving grant support from AstraZeneca, Pfizer, Roche, Novartis, Merck, Merck–Schering-Plough, Isis, Genzyme, and Sanofi-Aventis; lecture fees from AstraZeneca, GlaxoSmithKline, Pfizer, Novartis, Merck–Schering-Plough, Roche, Isis, and Boehringer Ingelheim; and consulting fees from AstraZeneca, Abbott, Pfizer, Isis, Genzyme, Roche, Novartis, Merck, Merck–Schering-Plough, and Sanofi-Aventis. Dr. Koenig reports receiving grant support from AstraZeneca, Roche, Anthera, Dade Behring and GlaxoSmithKline; lecture fees from AstraZeneca, Pfizer, Novartis, GlaxoSmithKline, DiaDexus, Roche, and Boehringer Ingelheim; and consulting fees from GlaxoSmithKline, Medlogix, Anthera, and Roche. Dr. Libby reports receiving lecture fees from Pfizer and lecture or consulting fees from AstraZeneca, Bristol-Myers Squibb, GlaxoSmithKline, Merck, Pfizer, Sanofi-Aventis, VIA Pharmaceuticals, Interleukin Genetics, Kowa Research Institute, Novartis, and Merck–Schering-Plough. Dr. Lorenzatti reports receiving grant support, lecture fees, and consulting fees from AstraZeneca, Takeda, and Novartis; Dr. Nordestgaard, lecture fees from AstraZeneca, Sanofi-Aventis, Pfizer, Boehringer Ingelheim, and Merck and consulting fees from AstraZeneca and BG Medicine; Dr. Shepherd, lecture fees from AstraZeneca, Pfizer, and Merck and consulting fees from AstraZeneca, Merck, Roche, GlaxoSmithKline, Pfizer, Nicox, and Oxford Biosciences; and Dr. Glynn, grant support from AstraZeneca and Bristol-Myers Squibb.

Interventions :

  • 20 mg ROSUVASTATIN (Crestor)
  • Placebo

Sources :

NEJM – Rosuvastatin to Prevent Vascular Events in Men and Women with Elevated C-Reactive Protein

Quelques réflexions concernant cette étude clinique :

Dès sa sortie, l’étude JUPITER est été fortement sujet à controverse[1].

  • Tout d’abord, que penser d’une étude sur un médicament que l’on peut classer comme potentiellement dangereux et que l’on interrompt prématurément au bout de 1,9 mois ? Qu’en est-il des effets secondaires à plus long terme ? L’efficacité du médicament est-elle la même sur une durée plus longue (voir l’étude WOSCOPS ou les résultats s’effondrent sévèrement lors de la post période soit après 5 ans) ? En interrompant prématurément l’essai au moment où les résultats étaient les plus favorables, les auteurs ont volontairement biaisé l’étude[2]. Je vous recommande la lecture de cette analyse sur l’effet de l’arrêt prématuré des trials[3] et me permets de vous en citer la conclusion : L’étude (JUPITER) était erronée. Elle a été abandonnée après moins de deux ans de suivi, sans différence entre les 2 groupes sur les critères les plus objectifs. Les données cliniques ont montré un écart important entre la réduction significative des accidents vasculaires cérébraux non mortel et infarctus du myocarde mais aucun effet sur la mortalité par accident vasculaire cérébral et d’infarctus du myocarde. La mortalité cardiovasculaire a été étonnamment faible par rapport à la mortalité totale-entre 5 % et 18 %-alors que le taux attendu était près de 40 %. Enfin, il y avait un très faible taux de létalité de l’infarctus du myocarde, loin d’être le nombre attendu de près de 50 %. La possibilité d’un biais dans ce trial est particulièrement inquiétante en raison de la solidité des intérêts commerciaux dans l’étude.
  • Les auteurs se basent sur l’augmentation de la protéine C-Réactive (avec le taux de cholestérol) comme indicateur principal de risque cardiovasculaire. Or il faut savoir que l’auteur principal de l’étude est détenteur exclusif du brevet sur ce test et empoche bien évidemment des royalties à chaque utilisation de celui-ci[4]. D’autre part, il est de plus en plus admis que ce test est un marqueur comme un autre et non pas la seule cause, et ne doit donc pas être utilisé comme un test d’évaluation de risque clinique systématique[5].
  • Sur 14 auteurs, 11 présentaient des liens (financiers…) très fort avec l’industrie pharmaceutique et notamment les labos pharmaceutiques produisant des statines…
  • Le professeur Michel de Lorgeril à fait un excellent résumé des nombreux biais de cet étude[6]. Détaillée et caustique ! Je vous conseille aussi fortement de lire ce document, écrit par un cardiologue et qui décortique l’essai JUPITER[7]. Pour ceux que l’anglais n’effraie pas, ce dernier document analyse les 10 principaux points sujets à controverse de l’étude JUPITER[8].
  • Il faut aussi qu’en ce qui concerne le critère « Primary end point », les auteurs de l’étude allègrement mélangés les critères mortels et non mortel : infarctus du myocarde non fatal, accident vasculaire cérébral non fatal, hospitalisation pour angor instable, revascularisation artérielle ou décès confirmés de causes cardiovasculaires. Si l’on extrait seulement le nombre de décès de causes cardiovasculaires, les pourcentages ne sont plus du tout les mêmes…
  • Pour en terminer avec l’étude JUPITER, on peut remarquer que les pourcentages relatifs sont très flatteurs, mais pour peu que l’on s’attarde aux pourcentages absolus c’est loin d’être aussi positif. Que les auteurs se flattent par exemple d’un pourcentage de plus de 50% d’efficacité en faveur des statines alors que celui-ci, extrait de pourcentages absolus qui n’atteignent même pas 1%, frise le ridicule. A ce sujet je citerai le commentaire du Dr. Steven W. Seiden : That’s statistically significant but not clinically significant[9]. Je ne pense pas avoir besoin de vous traduire…

Effets secondaires indésirables :

L’étude JUPITER à menti sur les effets secondaires lors de sa publication initiale, en effet, l’augmentation des cas de diabètes à été de 30% supérieure dans le groupe Rosuvastatin par rapport au groupe Placebo, ceci en moins de 2 années. Ce point à été totalement occulté lors de la publication de l’essai et n’a été mis au grand jour que 7 ans après la publication de celle-ci[10]

Efficacité de la statine testée dans le cadre de cette étude :

Résultats de la statine testée sur la mortalité cardiovasculaire et globale :
ROSUVASTATINPlaceboEfficacité ROSUVASTATIN vs Placebo
Nombre de participants89018901
Nbre%Nbre%% d’efficacité absolue% d’efficacité absolue annuelleNNT(*) annuel
décès d’origine cardiovasculaire (calculé)190,21%250,28%0,07%0,04%2819
décès toutes causes1902,13%2352,64%0,51%0,27%345

(*)NNT : Number Needed to Treat, c’est à dire le nombre de personnes à traiter (annuellement dans ce tableau) pour éviter un évènement.

Le résultat de ce test démontre bien l’absurdité du pourcentage relatif d’efficacité tel qu’utilisé par les labos : il est annoncé 24% d’efficacité relative pour les maladies cardiovasculaires, ce qui pourrait passer pour un excellent résultat (ce que n’a d’ailleurs pas manqué de propager AstraZeneca !), sauf que l’on extrait ce pourcentage à partir de pourcentages absolus qui n’ont, eux, strictement rien de significatif. En effet, extrapoler l’efficacité d’un médicament à partir de chiffres aussi peu significatifs relève de la propagande…
Ce qui veut dire qu’annuellement, selon ce test, avec un NNT de 2819 et 345, il a été traité inutilement 99,96% et 99,61% des patients respectivement.

En conclusion :

Après analyse, les résultats ridicules de ce test sont en totale contradiction avec le triomphalisme d’AstraZeneca…
De plus, ce test évaluait l’usage des statines en prévention primaires, c’est çà dire chez les patients n’ayant jamais eu d’antécédents cardiovasculaires. Ce qui est depuis reconnu pour être inefficace et sérieusement controversée par de nombreuses instances : même la H.A.S. (Haute Autorité de Santé) s’est fendue d’un communiqué dénonçant ces pratiques[11]. J’en cite un paragraphe qui résume tout : Par contre, dans le cas d’une hypercholestérolémie non familiale isolée, il n’a pas été démontré que la prescription de statines était efficace. Le traitement par statine n’est alors pas justifié.
N’oublions pas, non plus, qu’au cours de cet essais clinique sont apparues les premières alertes sur l’augmentation des cas de diabète dus aux statines…