Titre officiel :
A Comparison of Two LDL Cholesterol Targets after Ischemic Stroke
Date de publication :
02 janvier 2020
Durée :
Compliquée (voir ci-dessous…). Pour des raisons administratives, l’essai a été arrêté 9 mois après le recrutement du premier patient et après que 330 patients aient été traités.
Sponsor :
- Ministère français de la santé
- l’Assiciation SOS–Attaque Cérébrale
- Pfizer, AstraZeneca, et Merck pour les sites français
- Pfizer pour les sites sud-coréens
Conflits d’intérets :
Quasiment tous les protagonistes de cette étude sont liés avec les labos pharmaceutiques listés ci-dessus
Participants :
Dans cet essai en groupes parallèles mené en France et en Corée du Sud, des patients ayant subi un AVC ischémique au cours des 3 mois précédents ou un AIT au cours des 15 jours précédents ont été assignés de manière aléatoire à un niveau cible de cholestérol LDL inférieur à 70 mg par décilitre (1,8 mmol par litre) (groupe cible inférieur) ou à une fourchette cible de 90 mg à 110 mg par décilitre (2,3 à 2,8 mmol par litre) (groupe cible supérieur).
Interventions :
- Les patients éligibles ont été assignés de manière aléatoire dans un rapport 1:1 à un niveau cible de cholestérol LDL inférieur à 70 mg par décilitre (groupe cible inférieur) ou à une fourchette cible de 90 mg à 110 mg par décilitre (groupe cible supérieur). Les investigateurs, qui étaient autorisés à prescrire n’importe quel type et n’importe quelle dose de statine pour atteindre ces objectifs, devaient déterminer le taux de cholestérol LDL. taux de cholestérol LDL trois semaines après la randomisation afin d’ajuster la dose de statine ou d’ajouter d’autres ou d’ajouter d’autres agents hypolipidémiants, y compris
lipidiques, y compris l’ézétimibe, afin d’atteindre la cible de cholestérol LDL assigné.
Sources :
NEJM : A Comparison of Two LDL Cholesterol Targets after Ischemic Stroke
Quelques réflexions concernant cette étude clinique :
Rentrons directement dans le sujet qui fâche : les conflits d’intérêts.
En effet, nous avons là une étude bénéficiant d’une subvention illimitée de la part des labos (unrestricted grants from Pfizer, AstraZeneca, and Merck for the support of the trial
) et effectuée par des personnes toutes rémunérées par ailleurs par ces mêmes labos.
Les deux principaux protagonistes ont reconnu avoir reçu en plus une subvention spécifique pour cette étude de la part des labos. Subvention qu’ils auraient intégralement reversé à l’association SOS–Attaque Cérébrale, elle-même sponsor de cette étude. On peut appeler ça de l’économie circulaire ! Autant dire qu’il était impossible que cette étude n’arrive pas à démontrer que les statines sont utiles…
Ensuite, il faut noter que cette étude a été terminée prématurément le 26 mai 2019, date à laquelle l’essai a été arrêté par le promoteur en raison d’un manque de financement. Cette étude bénéficiant d’une subvention illimitée de la part des labos (voir ci-dessus), la raison reste obscure. L’arrêt de celle-ci serait-il à l’image de l’essai clinique JUPITER stoppé au moment où les résultats était les plus favorables aux statines ?
Quant à la durée de l’essai, en raison de la lenteur du recrutement, le recrutement a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2018 (donc démarrage laborieux) et pour des raisons administratives, celui-ci a été arrêté 9 mois après le recrutement du premier patient et après que 330 patients aient été traités. Tous les patients ont été suivis pour les événements incidents cardiovasculaires jusqu’au 26 mai 2019, par-contre plus loin dans le compte-rendu de l’étude, il est précisé un suivi médian de 2,0 ans chez les patients coréens contre 5,3 ans chez les patients français… Bref, un sacré bordel !
J’ai aussi relevé qu’après une période médiane de 2,7 ans dans les deux groupes, les taux d’abandon étaient de 30,3 % et 28,5 %, respectivement. Je n’ai trouvé aucune précision sur les causes d’abandon (peut-être ces personnes ont été « oubliées » de l’étude pour effets secondaires trop importants ?), mais cela pose de sérieuses question quant à l’exhaustivité des résultats.
Effets secondaires indésirables :
Il est précisé dans l’étude que Nous n’avons pas nommé de comité de surveillance des données et de la sécurité, car nous ne nous attendions pas à des événements indésirables liés aux stratégies de ciblage des LDL qui ont été évaluées dans l’essai.
. Dont acte…
Il n’est donc pas question d’effets indésirables dans cette étude. Tout juste reconnaissent-ils une augmentation des cas de diabète survenue chez 103 patients (7,2 %) dans le groupe à cible inférieure et chez 82 (5,7 %) dans le groupe à cible supérieure. Tout les reste (douleurs musculaires, fatigue, pour les plus courants) est judicieusement passé à la trappe.
Efficacité de la statine testée dans le cadre de cette étude :
Lower-TargetGroup | Higher-Target Group | Efficacité Lower vs Higher | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Nombre de participants | 1430 | 1430 | |||||
Nbre | % | Nbre | % | % d’efficacité absolue | % d’efficacité absolue annuelle | NNT(*) annuel | |
Major cardiovascular event | 121 | 8,46% | 156 | 10,91% | 2,45% | 0,46% | 217 |
(*)NNT : Number Needed to Treat, c’est-à-dire le nombre de personnes à traiter (annuellement dans ce tableau) pour éviter un évènement.
Attention au sujet des résultats : il faut noter que le critère principal était un critère composite comprenant l’infarctus cérébral non fatal ou l’accident vasculaire cérébral d’origine indéterminée, l’infarctus du myocarde non fatal, l’hospitalisation pour angine instable suivie d’une revascularisation coronarienne urgente, l’AIT traitée par une revascularisation carotidienne urgente ou la mort cardiovasculaire, y compris la mort subite inexpliquée. Quant au critère d’évaluation secondaire, ceux-ci comprenaient l’infarctus du myocarde ou la revascularisation coronaire urgente après une hospitalisation pour angine instable.
Il faut savoir que des critères composites multiples permettent d’additionner plusieurs résultats qui permettent d’avoir une efficacité quelque peu positive, alors que les différents critères pris séparément ne représentent que quelques dixièmes (voire millième) de pourcentage. Donc résultats à relativiser…
En conclusion :
Au vu des réflexions sur le déroulement de cette étude, j’avoue humblement que je reste plus que dubitatif quant au succès de cette dernière… Et ce d’autant plus si l’on considère que les effets secondaires (à part les nouveaux cas de diabète) ont été volontairement omis, que les conflits d’intérêts sont plus qu’omniprésents et que de nombreuses autres études, non financées par les labos, contredisent fortement les conclusions de celle-ci.
Il semblerait (d’après les auteurs de cette étude…) que faire baisser le cholestérol diminue les maladies cardiovasculaires, mais même avec un taux de cholestérol extrêmement bas (voire indécemment bas…), ces dernières sont toujours présentes et à peine diminuées. Jusqu’à quel niveau les labos voudront faire baisser le cholestérol pour prétendre éliminer totalement les maladies cardiovasculaires ? Zéro ? Au vu de toutes les études qui démontrent qu’un cholestérol trop bas est nocif pour la santé, on est pas dans la merde…