Trial 4S

Titre officiel :

Randomised trial of cholesterol lowering in 4 444 patients with coronary heart disease : the Scandinavian Simvastatin Survival Study (4S)

Date de publication :

novembre 1994

Durée :

5,4 ans

Sponsor :

  • Merk (4S a été soutenu par une subvention des laboratoires de recherche Merck[1])

Conflits d’intérêts :

J’ai eu beaucoup de mal à trouver le texte de l’étude, mais hélas, je n’ai pas pu trouver une quelconque mention des liens d’intérêts des différents auteurs, ce qui ne signifie aucunement qu’il n’y en a pas.
Il ne faut pas se leurrer, une étude de cette ampleur ne se fait pas grâce à des chercheurs totalement désintéressés…

De même, je n’ai pas réussi à mettre la main sur une quelconque annexe. Dommage, celle-ci contiennent en général nombres d’informations que les investigateurs ne souhaitent pas faire apparaître dans le compte-rendu officiel.

Participants :

4 444 patients souffrant d’angine de poitrine ou d’infarctus du myocarde antérieur, présentant un taux de cholestérol sérique de 5,5 à 8 mmol/L (2,12 à 3,09 g/L) et suivant un régime hypolipidémiant ont été randomisés pour recevoir un traitement en double aveugle par simvastatine ou placebo.

Interventions :

  • 20 mg (or 40 mg) of Simvastatin (Zocor)
  • Placebo

Sources :

The Lancet : Randomised trial of cholesterol lowering in 4 444 patients with coronary heart disease : the Scandinavian Simvastatin Survival Study (4S)

Quelques réflexions concernant cette étude clinique :

Comme dans quasiment toutes les études cliniques, une sélection drastique des participants est effectuée avant le début de l’étude : Les critères d’exclusion étaient les suivants : femmes préménopausées en âge de procréer, hypercholestérolémie secondaire, angine instable ou de Prinzmetal, xanthomes tendineux, chirurgie coronarienne ou angioplastie planifiée, infarctus du myocarde au cours des 6 mois précédents, traitement antiarythmique, insuffisance cardiaque congestive nécessitant un traitement par digitaliques, diurétiques ou vasodilatateurs, fibrillation auriculaire persistante, cardiomégalie, valvulopathie cardiaque hémodynamiquement importante, antécédents d’accident vasculaire cérébral, altération de la fonction hépatique, pontage iléal partiel, antécédents d’abus de drogues ou d’alcool, mauvaise fonction mentale, autre maladie grave, traitement actuel par un autre médicament expérimental ou hypersensibilité aux inhibiteurs de la HMG-CoA réductase.

Nous sommes donc très loin de la vie réelle où l’on colle des statines à tout ce qui bouge…
Vous remarquerez le dernier point que je me suis permis de mettre en gras, en effet celui-ci signifie que sont exclus toutes les personnes présentant des risques d’hypersensibilité aux statines. Autrement dit, on éjecte de l’essai clinique toute personne présentant des risques d’effets secondaires indésirables, ce qui permet de diminuer significativement les statistiques de ces derniers !

Les résultats de cette étude se basaient sur plusieurs critères :

  • Le critère d’évaluation principal de l’étude était la mortalité totale.
  • Le critère d’évaluation secondaire comprenait les « événements coronariens majeurs », qui comprenaient les décès coronariens, les infarctus du myocarde aigu non mortels certains ou probables vérifiés à l’hôpital, les arrêts cardiaques réanimés et les infarctus du myocarde silencieux certains vérifiés par électrocardiogramme.
  • Le critère d’évaluation tertiaires comprenait : tout événement coronarien, c’est-à-dire les événements du critère d’évaluation secondaire plus les procédures de revascularisation myocardique et l’hospitalisation pour des événements coronariens aigus sans diagnostic d’infarctus du myocarde (principalement des douleurs thoraciques prolongées) ; le décès ou tout événement athéroscléreux (coronaire, cérébrovasculaire et périphérique), c’est-à-dire le décès de toute cause et les événements inclus dans le premier critère d’évaluation tertiaire, plus les événements athéroscléreux non coronaires non mortels vérifiés à l’hôpital ; l’incidence des procédures de revascularisation myocardique, soit un pontage aortocoronarien ou une angioplastie coronaire transluminale percutanée ; l’incidence de l’hospitalisation pour des événements coronariens aigus sans diagnostic d’IDM.

L’objectif du traitement étant de réduire le cholestérol total sérique entre 3 et 5,2 mmol/L (1,16 et 2,01 g/L), les patients du groupe simvastatine dont le taux de cholestérol sérique était hors norme ont vu leur dose augmentée à 40 mg par jour, sous forme de deux comprimés de 20 mg, ou réduite à un comprimé de 10 mg. Pour maintenir le double aveugle, les patients du groupe placebo ont été assignés au hasard à prendre les comprimés placebo correspondants.

Sur toute la durée de l’étude, dans le groupe simvastatine, les changements moyens par rapport à la valeur initiale du cholestérol total, LDL et HDL, et des triglycérides sériques ont été respectivement de -25 %, -35 %, +8 % et -10 %

Effets secondaires indésirables :

Alors là, chapeau ! L’essai clinique 4S n’a fait apparaître aucun effet secondaire.

Si, si, je vous assure, il n’y a eu strictement aucun effet secondaire indésirable. Aucune douleur musculaire, aucun cas de diabète. Rien du tout !

Je vous cite l’intégralité du texte sur ce sujet : La fréquence globale des événements indésirables était similaire dans les deux groupes. Comme indiqué précédemment, 6 % des patients des deux groupes ont arrêté le médicament à l’étude en raison d’événements indésirables. En plus des décès par cancer rapportés dans le tableau 2, il y a eu 61 cas non mortels de cancer dans le groupe placebo et 57 dans le groupe simvastatine, dont 14 et 12, respectivement, sont survenus dans le système gastro-intestinal. Ces totaux excluent les cas de cancer de la peau non mélanocytaire, dont 6 dans le groupe placebo et 13 dans le groupe simvastatine. Il n’y a pas eu de différences significatives entre les groupes de traitement pour le cancer mortel et non mortel dans son ensemble ou à un site particulier. Un seul cas de rhabdomyolyse est survenu chez une femme prenant 20 mg de simvastatine par jour ; elle s’est rétablie lorsque le traitement a été arrêté. Une augmentation de la créatine kinase à plus de dix fois la limite supérieure de la normale a été observée chez 1 et 6 patients des groupes placebo et simvastatine, respectivement, mais chez aucun de ces derniers, ce niveau élevé n’a été maintenu dans un échantillon répété ou n’a été accompagné de douleurs ou de faiblesse musculaires. Des augmentations de l’aspartate aminotransférase à plus de trois fois la limite supérieure de la normale ont été observées chez 23 patients du groupe placebo et 20 patients du groupe simvastatine. Pour l’alanine aminotransférase, les nombres correspondants étaient de 33 et 49.

Je ne peux que m’incliner et faire mon mea-culpa de vilain complotiste !

Mais passons à la suite qui est tout aussi surprenante…

Efficacité de la statine testée dans le cadre de cette étude :

Alors là, ça tient carrément du miracle ! Jugez-en : 30 % de réduction de la mortalité totale et de 42 % des décès coronariens.
Bon, tout cela exprimé évidemment en pourcentages relatifs…

Mais qu’en est-il des résultats exprimés en pourcentages absolus ? Comme on peut le constater, c’est nettement moins réjouissant :

Résultats de la statine testée sur la mortalité cardiovasculaire et globale :
SIMVASTATINTraitement habituelEfficacité SIMVASTATIN vs Placebo
Nombre de participants22212223
Nbre%Nbre%% d’efficacité absolue% d’efficacité absolue annuelleNNT(*) annuel
Décès maladie coronaire1115,00%1898,50%3,50%0,65%154
Décès maladie cardiovasculaire1366,12%2079,31%3,19%0,59%169
Décès causes non cardiovasculaires462,07%492,20%0,13%0,02%4057
Décès toutes causes1828,19%25611,52%3,32%0,62%163

(*)NNT : Number Needed to Treat, c’est-à-dire le nombre de personnes à traiter (annuellement dans ce tableau) pour éviter un évènement.

Environ 0,6 % de réduction annuelle de la mortalité coronaire, cardiovasculaire et toute cause. C’est bizarre comme d’un coup le mythe s’écroule !

Quelques remarques au sujet de cet essai clinique miraculeux :

L’essai clinique 4S a été arrêté prématurément en 1994 sans que les raisons de cet arrêt n’aient jamais été clairement expliquées.

L’analyse des données de cet essai ont été effectuées par… Merk… Comme quoi on n’est aussi bien servi que par soi-même, ce qui pourrait expliquer des résultats meilleurs que pour les études publiées depuis !

Concernant la tenue de cet essai, celui-ci a été initié bien avant que n’éclate l’affaire du Vioxx en 2004. Depuis, les conditions de validation des essais cliniques ont été durcis et aucun essai clinique publié après cette date n’a pu démontrer une quelconque efficacité significative des statines[2].
À ce propos, on peut aussi noter que c’est ce même laboratoire Merk qui est responsable de l’affaire du Vioxx, ce dernier ayant dû verser cinq milliards de dollars en 2005-2006 pour indemniser les victimes, puis verser, en 2011, 950 millions à l’État américain, pour « fausses déclarations sur la sécurité de son médicament aux fins d’augmenter ses ventes[3]. ».
Question crédibilité, on repassera…

Pour ce qui est des effets secondaires, même remarque. L’essai clinique JUPITER (publié en 2005) commençait tout juste à faire état des cas de diabètes induits par les statines. Ce qui avait été dissimulé à l’époque par le sponsor de l’étude et n’a été révélé que quelques années plus tard !
Depuis, même la FDA s’est sentie obligée de publier plusieurs communiqués sur les dangers des statines, notamment les cas de blessures musculaires pouvant évoluer en myopathie et rhabdomyolyse dus à la seule Simvastatine[4]., allant même jusqu’à recommander de ne plus prescrire la dose la plus élevée de Simvastatine (80 mg) en raison d’un risque accru de lésions musculaires[5]. Un autre communiqué de cette même FDA évoque aussi les dangers de toutes les statines[6].

Je vous recommande aussi la dernière mouture (2023) de cette publication qui liste tous les effets secondaires de la Simvastatine ainsi que leur fréquence[7].

Nous pouvons donc affirmer, preuves à l’appui, que lors de son essai clinique 4S, Merk a volontairement occulté toute trace des effets secondaires. Ce qui laisse raisonnablement penser que les résultats ont pu être tripatouillés de la même manière…

On peut aussi arguer que 182 personnes du groupe simvastatine (8,2 %) sont décédées alors qu’elles prenaient consciencieusement leur cachet de statine tous les matins. Cyniquemenent, je me demande si leur cardiologue ne leur avait pas assuré que les statines les empêcheraient de mourir…

En conclusion :

On constate que l’étude 4S n’a obtenu que des résultats plus que modestes, bien loin de la communication dithyrambique de la part de Merk et de ses affiliés avec leur efficacité exprimée en pourcentages relatifs.

D’ailleurs toutes les études publiées après 2004 ne démontre, au mieux, quasiment aucune efficacité des statines, au pire une mortalité aggravée (ASPEN, SPARCL, parmi celles que j’ai examinées).