Statines en prévention primaire : le retour !

L’US Preventive Services Task Force (USPSTF), organisme soi-disant indépendant qui émet des recommandations en termes de prévention aux États-Unis, vient de publier un projet de mise à jour de ses précédentes recommandations qui dataient de 2016 sur l’utilisation des statines en prévention primaire pour prévenir les maladies cardiovasculaires1. Ces dernières recommandent pour les personnes âgées de 40 à 75 ans à haut risque de maladies cardiovasculaires (MCV) de prendre des statines pour prévenir un premier infarctus ou AVC. Les personnes entre 40 et 75 ans qui ont un risque augmenté – mais pas un risque élevé – de MCV pourraient aussi tirer bénéfice des statines et devraient voir avec leurs médecins si prendre des statines est bon pour eux.

Ne doutant pas un instant que ces recommandations vont rapidement traverser l’Atlantique pour devenir un dogme auprès des cardiologues français, je suis donc allé examiner de plus près le contenu ces fameuses recommandations.

Une fois passé le blabla habituel de présentation de l’étude, un paragraphe m’a fortement interpelé : Les facteurs socio-économiques sont des déterminants importants du risque de MCV, mais ne sont pas intégrés dans les instruments d’évaluation du risque cardiovasculaire existants. Les facteurs de risque de dyslipidémie comprennent l’inactivité physique, l’obésité, l’obésité abdominale, le syndrome métabolique, l’hypertension, un régime athérogène (riche en acides gras saturés, en cholestérol et en sodium), la consommation de sucres ajoutés alimentaires, des facteurs génétiques, l’âge et le sexe masculin. Un taux élevé de triglycérides est associé au surpoids et à l’obésité, à l’inactivité physique, au tabagisme, à une consommation excessive d’alcool, à une alimentation riche en glucides, à d’autres maladies telles que le diabète et le syndrome néphrotique, à des médicaments tels que les corticostéroïdes ou les œstrogènes et à des facteurs génétiques.

Le simple bon sens voudrait donc que l’on s’attaque d’abord à ces causes afin de réduire les maladies cardiovasculaires (aux États-Unis, 30 % de la population est en surpoids et 40 % est obèse2, ce qui nous fait donc 70 % de candidats potentiels aux MCV…). Hélas, le bon sens étant totalement incompatible avec les profits des industries pharmaceutiques et agroalimentaires pourvoyeuses de malbouffe, ce n’est donc pas cette voie qui a été choisie puisque ce rapport prône la prescription de statines en prévention primaire, c’est-à-dire pour les personnes n’ayant jamais eu de problèmes cardiovasculaires.

En préambule, je tiens à préciser qu’en prévention secondaire, les statines n’ont jamais fait preuve d’une grande efficacité, ce qui n’empêche aucunement celles-ci d’être prescrites massivement, mais que jusqu’à présent aucune étude n’a pu faire remonter la moindre efficacité en prévention primaire. Ce qui, comme on va le découvrir, ne semble aucunement gêner les labos qui n’en sont plus à une aberration (ou mensonge…) près !

Cette étude est une espèce de méta-analyse d’essais cliniques qui, pris séparément, ne montre hélas aucun résultat probant. Je ne les ai pas tous regardé mais pour les principaux, voici un spicilège de leur inefficacité :

NB : les phrases citées sont extraites des documents officiels des études…

ALLHAT-LLT3 : ALLHAT-LLT ne montre aucune différence significative entre la Pravastatine et le groupe pratiquant le traitement habituel pour ce qui est de la mortalité toutes causes ou combinée (maladies cardiovasculaires fatales et non fatales)…
Une post-analyse de cette étude le confirme aussi4 : Aucun avantage n’a été trouvé lorsque la Pravastatine a été administrée pour la prévention primaire chez les personnes âgées atteintes d’hyperlipidémie modérée et d’hypertension, et une indication non significative de l’augmentation de la mortalité toutes causes confondues avec la Pravastatine a été observée chez les adultes de 75 ans et plus

ASPEN5 : Un nombre similaire de sujets en prévention primaire dans chaque groupe a connu un critère d’évaluation primaire (10,4 % d’Atorvastatine et 10,8 % de placebo)
La mortalité toutes causes confondues était similaire entre les groupes de traitement pendant la phase de traitement de 4 ans pour la cohorte totale (5,8 % d’Atorvastatine et 5,7 % de placebo) et pour la prévention primaire (4,6 et 4,3 %). Et donc légèrement moins de décès dans la branche placebo. Un comble…

JUPITER : Ah, l’étude JUPITER… Étude toujours citée en référence alors qu’elle est non seulement controversée, mais même régulièrement remise en cause6.

PROSPER7 : Les cancers gastro-intestinaux ont été plus fréquents dans le groupe Pravastatine traité (65 cas vs 45 dans le groupe placebo). Dans l’ensemble, il y avait un déséquilibre de nouveau diagnostic de cancer, qui était de 25 % plus fréquent dans le groupe Pravastatine

WOSCOPS : Le résultat du seul cancer qui s’est produit avec une fréquence significativement plus élevée dans le groupe Pravastatine que dans le groupe placebo était de cancer de la prostate, que les auteurs attribuent simplement au hasard. Ben oui, il est notoire que 0,5 % de réduction des maladies cardiovasculaires est un excellent résultat dû au produit, mais que 2,0 % d’augmentation des cas de cancers ne peuvent être dus qu’au hasard…
Autre curiosité de cette étude, environ 30 % des patients inclus dans l’essai ont été perdus de vue : Les taux cumulatifs de retrait du traitement dans les groupes placebo et Pravastatine étaient respectivement de 14,9 % et 15,5 % respectivement la 1ʳᵉ année ; à 19,1 % et 19,4 % la 2ᵉ année ; 22,5 % et 22,7 % la 3ᵉ année ; 25,2 % et 24,7 % la 4ᵉ année puis 30,8 % et 29,6 % la 5ᵉ année. Une disparition aussi conséquente de patients sans que les auteurs de l’étude puissent fournir une explication convaincante est plutôt inquiétante !

Étonnant qu’avec une base d’études pareilles, les auteurs de l’étude arrivent à trouver une quelconque utilité aux statines…

En ce qui concerne les effets secondaires, ceux-ci ne sont que très peu évoqués, ce rapport se basant sur des études cliniques dont le but premier est de tester l’efficacité d’un produit et surtout pas de démontrer la nocivité de celui-ci. De toute façon, il est notoire que les effets secondaires des statines ne sont dues qu’à un effet nocebo8 et 9. Il est d’ailleurs consternant de lire dans ces articles qu’une augmentation de 5 % des cas de diabètes, une augmentation de 40 % des cas de fatigues ou encore de 16 % des naissances prématurées chez les femmes enceintes sous statines (liste non exhaustive…) seraient uniquement dus à un effet nocebo, alors qu’une réduction minable de 0,5 % des maladies cardiovasculaires ne serait absolument pas dû, lui, à un effet placebo…

Bref, la mauvaise foi habituelle !

Pour ce qui est des résultats, j’ai gardé ceux-ci pour la fin afin de terminer cet article en beauté. Si, si, je vous jure ; j’en aurais presque versé une larme tellement c’est beau…

Mais auparavant, quelques réflexions au sujet des résultats ci-dessous :

  1. Ceux-ci sont exprimés en ARD (Absolute Risk Difference), autrement dit la différence d’efficacité entre les deux résultats (statines et placebo) exprimés en pourcentages absolus.
  2. Ces résultats sont pour une durée moyenne de 3 ans, donc ces chiffres sont à diviser par 3 pour obtenir l’efficacité annuelle.
  3. Concernant le dernier critère, le résultat un peu supérieur est surtout dû au fait que celui-ci est un composite fourre-tout comprenant plusieurs critères. Plus vous multipliez ceux-ci, plus vous avez de chance d’avoir un résultat probant, c’est mathématique…
  4. Ces résultats sont largement surestimés par rapport à ce qui se passe dans la vie réelle. En effet, lors d’un essai clinique, les patients sont rigoureusement sélectionnés et bien souvent, ceux-ci subissent une phase de « run in » à l’issue de laquelle on sort de l’essai ceux ayant eu une réaction négative au produit et ne sont gardés que ceux qui réagissent bien au traitement.

Ceci mis à plat, on y va :

Mortalité toutes causes : -0,35 %
Mortalité cardiovasculaire : -0,13 %
AVC : -0,39 %
Infarctus du myocarde : -0,84 %
Revascularisation : -0,59 %
Résultats CV composites : -1,28 %

Ce qui nous donne donc une fabuleuse réduction annuelle qui varie entre 0,04 % à 0,28 % pour les principaux critères (j’ai volontairement omis le dernier qui est un amalgame de critères qui, pris séparément, n’ont généralement rien de significatif…).

J’insisterai sur le magnifique 0,04 % de réduction annuelle de la mortalité cardiovasculaire, qui est pourtant le critère n°1 concernant l’efficacité des statines… Comme quoi, lorsqu’il s’agit de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, ces gens-là ne reculent devant rien.

Comment dire ? La médecine est vraiment tombée bien bas pour que l’on envisage de prescrire des statines à plusieurs centaines de millions de patients dans le monde sur la base de résultats aussi ridicules, ce d’autant plus que si l’on s’attaquait aux causes plutôt qu’à traiter les effets, on arriverait très certainement à des résultats 20 ou 40 fois supérieurs, durables, sans aucuns effets secondaires, avec des effets positifs sur d’autres maladies et surtout à un coût nettement moindre.

Oui, mais voilà, les laboratoires pharmaceutiques étant des industries comme les autres (voire pire…), il est notoire que la recherche du profit prime avant tout. Il faut aussi reconnaître qu’après cette campagne de vaccination contre le Covid avec un pseudo-vaccin expérimental, à peine testé et dont l’efficacité a été plus que discutable, plus rien ne peut m’étonner !

Donc, attendez-vous à ce que très bientôt, on insiste pour vous coller des statines en prévention primaire…

 

1 USPTF : Statin Use for the Primary Prevention of Cardiovascular Disease in Adults: Preventive Medication
2 Livin3 : How Fat is America? An Overview of Obesity Statistics (2022)
3 Maladies cardiovasculaires, cholestérol et statines : Trial ALLHAT-LLT
4 JAMA Network : Effect of Statin Treatment vs Usual Care on Primary Cardiovascular Prevention Among Older
5 Maladies cardiovasculaires, cholestérol et statines : Trial ASPEN
6 Maladies cardiovasculaires, cholestérol et statines : Trial JUPITER
7 Maladies cardiovasculaires, cholestérol et statines : Trial PROSPER
8 Maladies cardiovasculaires, cholestérol et statines : Allez, répétez après moi : les statines ne provoquent absolument pas de douleurs musculaires…
9 Maladies cardiovasculaires, cholestérol et statines : Qu’on se le dise, les statines n’ont pas absolument pas d’effets secondaires indésirables !

4 réflexions au sujet de “Statines en prévention primaire : le retour !”

  1. Mais que faire quand après 3 stents un cardiologue qui pendant 3 ans a accepté que vous refusiez les statines insiste à la dernière visite pour que vous preniez du crestor et et éventuellement du PCSK9. Où trouver un cardiologue qui ne soit pas obsédé par les statines à Paris ? Cela semble impossible.

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