«Science et avenir», ou comment pipeauter un article sur l’efficacité des statines

Un visiteur de mon site m’a fait parvenir un lien vers un article dont le titre est « Un anti-cholestérol a réduit la mortalité de 28% chez les hommes ». Je suis donc allé lire cet article glorifiant les effets des statines, puisque ce sont elles dont il est question.

Pour commencer, un article soi-disant scientifique faisant la promotion d’un produit médicamenteux et qui ne cite aucune source peut laisser planer quelques doutes quant à sa crédibilité !

Ensuite, j’ai toujours du mal avec ces mêmes articles qui sortent des pourcentages relatifs sans aucun autre élément pour justifier ceux-ci. J’ai écrit un article complet ici (avec les méthodes de calcul) au-sujet de ces fameux pourcentages relatifs qui peuvent être extrêmement trompeurs et réussir à faire passer un produit de merde pour quelque chose de très efficace.

Pour illustrer mes propos, je vais vous faire une démonstration toute simple :

Prenons une étude clinique qui teste un produit sur 20 000 volontaires pendant 5 ans (soit 10 000 sous médicament et 10 000 sous placebo). Dans le groupe médicament, nous avons 1 décès et dans le groupe placebo nous en avons 2, le médicament s’étant montré deux fois plus efficace à réduire la mortalité que le placebo, celui est donc crédité d’une efficacité ( en % relatifs) de 50 %.

Extraordinaire, n’est-ce pas, un médicament qui réduit les décès de moitié !

Hélas, la réalité n’est pas aussi rose… Poussons l’analyse un peu plus loin : en pourcentages absolus, nous avons une réduction de la mortalité de 0,01 % sur 5 ans, ce qui nous donne 0,002 % par année avec par conséquent un NNT annuel de 50 000, ce qui signifie qu’il faut traiter 50 000 personnes annuellement pour éviter 1 décès. Présenté de cette manière, c’est nettement moins efficace, n’est-ce pas ? Je reconnais avoir un peu forcé le trait, mais c’est pour bien démontrer toute l’absurdité de présenter les résultats uniquement en pourcentages relatifs.

Pour en revenir à notre étude miracle, après recherches, il s’agit du follow-up sur 20 ans de l’étude WOSCOPS, une étude en prévention primaire (patients n’ayant jamais eu de problèmes cardiovasculaires), sur une population dont la mortalité cardiovasculaire est pratiquement 4 fois supérieure à la France et dont presque la moitié était fumeur, et dont les résultats avaient été loin d’être un franc succès.

Passons brièvement sur les conclusions de cette étude « Les présentes analyses fournissent de nouvelles données probantes solides sur les avantages à court et à long terme de l’abaissement du LDL-C pour la prévention primaire des maladies cardiovasculaires chez les personnes dont l’élévation primaire du LDL-C est de ±190 mg/dL. » (normal pour une étude financée par Merk et dont les protagonistes émargent auprès de tous les labos produisant des statines…) pour s’attacher sur les diverses anomalies de cette étude :

Je cite :

  • à la fin de l’essai clinique initial, environ un tiers des individus initialement alloués à la pravastatine ou un placebo étaient sur des statines : Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? après 5 ans, si je comprends bien, seulement 1/3 des patients sous Pravastatine ont continués de prendre une statine (mais pas forcément de la Pravastatine…) et 1/3 des patients sous placebo se sont mis à prendre des statines. Donc, si je compte bien, 2/3 des patients sous statine ont arrêté de prendre celle-ci et 2/3 de ceux sous placebo n’ont rien changé ???
  • Aucune donnée ultérieure sur la proportion de personnes prenant des statines n’était disponible pour les années suivantes : Encore plus inquiétant, les auteurs reconnaissent eux-mêmes qu’ils sont incapables de savoir avec précision qui prend des statines et qui n’en prend pas !
  • Dans la présente analyse, nous avons comparé les résultats de mortalité à long terme (y compris les décès attribuables aux maladies coronariennes, aux causes cardiovasculaires et à toutes causes confondues) entre les patients initialement randomisés à la pravastatine et les patients sans signe de maladie vasculaire classés par hypercholestérolémie : Ah ? Comme on ne sait plus qui prend des statines, on classifie les décès au doigt mouillé, en fonction de leur niveau de cholestérol, et non pas en fonction de leur appartenance au groupe statine ou placebo (ah oui, chuis con… on ne sait plus qui prend des statines et qui n’en prend pas…)
  • De même, au cours de la période de suivi de 20 ans, la pravastatine n’a pas eu d’effet négatif sur les taux de décès (cardiovasculaires, non cardiovasculaires, cancer) et d’hospitalisations (cardiovasculaires et non cardiovasculaires) : Belle manière de dire qu’elle n’a pas eu d’effets positifs non plus…
  • Malheureusement, il n’y a pas de données post-essai sur les événements indésirables non graves : Vraiment dommage, pour une fois que l’on peut étudier les effets secondaires des statines sur le long terme. Ah, c’est vrai… On ne sait plus qui prend des statines et qui n’en prend pas…
  • il faut reconnaître que les données des 15 années de suivi supplémentaires après la fin de l’essai initial sont des données d’observation et pourraient être confondues par le manque d’information continue sur l’utilisation des médicaments. : Autrement dit, on n’est même pas sûr de la véracité des informations
  • Par exemple, les participants ayant obtenu des nieaux de LDL-C de 190 mg/dL ont peut-être été plus susceptibles d’être maintenus sous traitement que ceux qui avaient des niveaux de LDL-C inférieurs après la fin de l’essai : Pour une étude clinique, ça fait sérieux.. On suppose que… Peut-être que…
  • Néanmoins, sans exclure la possibilité de facteurs confondants, il n’est pas possible de caractériser pleinement les estimations de suivi à long terme comme étant soit sous-estimées, soit surestimées, puisqu’on ne peut supposer que les résultats ne sont modulés que par l’utilisation ou la non-utilisation des statines : Houla… De pire en pire !
  • Malgré cela, nous considérons que le premier risque est plus probable en raison du fait que de nombreux patients traités activement pendant la phase d’essai n’ont peut-être plus reçu de statine et de l’augmentation prévue de la transition du groupe placebo initial au groupe statine pendant le suivi; par conséquent, les résultats du suivi prolongé pourraient probablement sous-estimer les avantages du traitement à plus long terme en raison de la réduction de l’utilisation différentielle des statines au fil du temps et, par conséquent, l’avantage pour ces patients de 190 mg/dL pourrait être le plus élevé : De plus en plus nébuleux…
  • D’autre part, la forte prévalence des fumeurs dans la population de WOSCOP pourrait signifier qu’une étude similaire aujourd’hui pourrait ne pas montrer un effet aussi fort avec un régime de statines de puissance similaire : Je rappelle que dans l’étude initiale, presque la moitié des patients étaient des fumeurs, on peut supposer qu’une proportion non négligeable de fumeurs sont devenus non-fumeurs au cours des 20 années
  • En ce qui concerne les analyses exploratoires évaluant le changement du LDL-C par rapport au résultat (comparativement au placebo), elles ne peuvent pas complètement exclure l’influence de la non-conformité aux médicaments : On continue d’extrapoler…
  • Il y a donc une certaine marge de manquement dans l’analyse telle qu’elle est effectuée : Tu m’étonnes !
  • Enfin, les analyses des réductions du LDL-C avec la pravastatine et les résultats sont de nature observationnelle et devraient être interprétées comme telles et une confusion résiduelle ne peut être exclue malgré l’ajustement statistique : Donc on a des chiffres qui sont potentiellement faux mais tout va bien puisqu’on le signale…

Pour continuer, les effets indésirables n’ont pas été relevés. Je cite : «L’information sur les effets indésirables observés au cours de l’étude a été décrite en détail dans des publications antérieures de WOSCOPS. En bref, les résultats à 5 ans ont montré que le traitement par la Pravastatine, comparativement au placebo, n’a pas eu d’effet défavorable sur la fonction hépatique ou n’a pas produit de myopathie; on a constaté que la Pravastatine protégeait contre le développement du diabète et contre le risque d’admission à l’hôpital en raison de causes cardiovasculaires sans affecter les hospitalisations non cardio-vasculaires; enfin, il n’y avait aucune preuve d’un risque accru de cancer mortel et non mortel, de décès ou de causes non cardiovasculaires ou de décès. De même, au cours de la période de suivi de 20 ans, la Pravastatine n’a pas eu d’effet négatif sur les taux de décès (cardiovasculaires, non cardiovasculaires, cancéreux) et d’hospitalisations (cardiovasculaires, non cardiovasculaires) et il n’y a malheureusement pas de données sur les événements indésirables non graves après l’essai.». Il est vrai qu’en 1997, c’était l’époque béni où les essais cliniques glorifiaient les résultats des statines tout en occultant consciencieusement leurs effets secondaires… Je rappelle qu’au cours de l’étude de base, il y a eu une augmentation conséquente des cancers de la prostate (due bien évidemment au hasard !) et quant au statines qui protège du diabète, il n’y a que les imbéciles pour le croire; bien que la Pravastatine ne soit pas la plus diabétogène des statines, celle-ci est loin d’être neutre vis-à-vis des NOD (New Onset Diabete).

Donc une étude bidon, avec beaucoup de suppositions et d’incertitudes, mais dont la conclusion officielle à déjà été reprise par beaucoup de médias, ces derniers ayant tendance à préférer le copier-coller des articles de communications des labos pharmaceutiques plutôt que le vrai journalisme d’investigation.