Omerta dans les labos pharmaceutiques

Tel est le titre d’un livre, trouvé dans une boite à livres, et que l’on m’a prêté. Comme quoi, outre la biographie de Bruce Springsteen1, on peut y trouver d’autres livres tout aussi intéressants…

La première partie de ce livre, racontée par un ancien médecin, raconte ses débuts dans la médecine, puis son parcours au sein de laboratoires pharmaceutiques comme expert médical jusqu’au moment où, confronté aux effets secondaires du Vioxx, il a commencé à se poser des questions sur son métier, puis refusé de continuer à jouer le jeu de l’industrie du médicament. Ce qui a prématurément mis fin à sa carrière.

Certes, ce livre est paru en 2014 et relate donc des faits qui se sont passés avant cette date. Depuis un peu de ménage a été fait dans ces pratiques, mais celui-ci a été tellement minime que beaucoup d’entre elles perdurent encore !

Tout y passe :

  • Les rémunérations offertes aux « key leaders », c’est-à-dire quelques grands pontes officiants dans les hôpitaux au encore au sein d’agences de santé, afin que ceux-ci distillent la bonne parole autour d’eux, favorisant par là même les ventes du médicament.
  • Ceux qu’on appelle pudiquement « visiteurs médicaux », chargés soi-disant de conseiller les médecins, mais qui ne sont finalement que de vulgaires commerciaux dont le seul but est de faire augmenter, par n’importe quel moyen et à n’importe quel prix, les ventes des médicaments du labo qu’ils représentent. Tout est bon pour les motiver : techniques à déployer auprès des médecins, conventions dans des endroits exotiques, ballades en hélico ou en 4 × 4, grand-messes au cours desquelles les meilleurs sont encensés, etc. Conventions auxquelles sont invités bien évidemment quelques médecins triés sur le volet, ceux qui sont le plus susceptibles de faire évoluer favorablement les ventes…
  • Médecins dont d’ailleurs les labos vantent (en interne…) la facilité avec laquelle ils les manipulent, à coup d’argumentaires dans lesquels les avantages des médicaments sont maximisés, et les inconvénients soigneusement mis de côté.
  • Les liens étroits qu’entretiennent les labos avec la presse médicale dont les articles tiennent plus souvent de l’argumentaire publicitaire que de l’analyse impartiale.
  • Les liens étroits qu’entretiennent les labos avec les pouvoirs publics, le lobbying et le copinage à ce niveau étant des plus intenses.
  • Les liens étroits qu’entretiennent les labos avec les grands pontes du monde médical. Rémunérations diverses, cadeaux, informatisation de leur service, etc.
  • Les liens étroits qu’entretiennent les labos avec les associations de patients qui sont, pour beaucoup, soutenues et financées par les labos. Pratiques d’autant plus occultes que ces dernières ne sont pas tenues de rendre publique ces pratiques.
  • Les études cliniques destinées à mesurer l’efficacité d’un nouveau produit. Largement rémunérées, ces travaux arrondissent les fins de mois des services hospitaliers qui les pilotent et les poussent aussi (et surtout…) à promouvoir le médicament testé.
  • Le manque d’innovation des nouveaux produits favorisant le marketing et les profits rapides au détriment de la recherche. L’auteur citant d’ailleurs une étude de l’OMS qui déclarait que sur 700 nouveaux médicaments commercialisés par les labos entre 2001 et 2001, seuls 4 % étaient essentiels.

Je terminerais par ce conseil extrait du livre2, que lui avait confié un leader d’opinion auprès duquel l’auteur se plaignait de n’avoir pas assez de temps à consacrer pour la lecture des études cliniques : Jeune homme, allez directement à la dernière page regarder les remerciements et les déclarations de conflits d’intérêts des auteurs. Si les auteurs ont des liens financiers présents ou passés avec l’industriel dont le médicament fait l’objet de la publication, abstenez-vous de lire tout l’article, passez directement aux conclusions. Si elles sont positives pour l’industriel, vous gagnerez du temps en jetant le tout à la poubelle.

Ce qui ne fait que confirmer ce que j’ai pu constater au sujet des études cliniques sponsorisées par les labos…

Si vous souhaitez en savoir un peu plus, outre la lecture du livre, je vous recommande la lecture d’un article du Monde qui développe lui aussi ce sujet3, ou encore celui du Formindep4, organisation qui lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption sévissant dans le monde médical.

Omerta dans les labos pharmaceutiques

 

1 Maladies cardiovasculaires, cholestérol et statines : Le destin est un farceur…
2 Omerta dans les labos pharmaceutique : page 141
3 Le Monde : Les pratiques du laboratoire pharmaceutique Merck en accusation
4 Formindep : «Omerta dans les labos pharmaceutiques»

5 réflexions au sujet de “Omerta dans les labos pharmaceutiques”

  1. Autres livres sur le même thème :
    Remèdes mortels et crimes organisé de Peter Gotzsche 2019
    La santé en bande organisée Pr Christian Riché et Anne Jouan 2022 (sur le Médiator)
    Corruption et crédulité en médecine Pr Philippe Even 2015
    …..
    liste non exhaustive biensûr!

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    • Quelle belle liste de complotiste 🙂
      Plus sérieusement, il y a plein de livre sur ce sujet, mais hélas ils ne passionnent pas les foules. Comme je le dit souvent, les gens préfères un mensonge qui rassure qu’une vérité qu dérange…

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  2. Bonjour,

    Je confirme ces pratiques de l’industrie pharmaceutique et je sais de quoi je parle car j’ai aussi fait ce genre de job mais pour une boîte qui s’occupait de développer des kits d’analyse de tests sanguins réalisés par des labos. La technique est la même. Approcher les leaders dans les CHU afin de promouvoir le nouveau test en question. On organisait sur le temps de midi des miniworkshops où le « leader » faisait la promo, contre rétribution, du test de labo en question. La promo d’un médicament se faisait de la même manière.
    Une réglementation est apparue à ce sujet mais les firmes ont vite trouvé le moyen de la détourner. Ces leaders d’opinion ne manquaient parfois pas de culot en faisant le même type de promo en faveur du concurrent. Ils bouffaient à tous les rateliers…
    Il est exact que les délégués médicaux sont mis sous pression pour faire du chiffre et tous les moyens sont bons pour y arriver car il y avait de substantielles primes à la clef. J’en ai bénéficié moi-même même si bien souvent il s’agissait de tests utiles pour le patient mais c’était le chiffre de vente qui comptait avant la santé de ce dernier.

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