Dans l’esprit de beaucoup de gens, un placebo est un produit sans principe actif que l’on utilise dans les essais cliniques afin de comparer l’efficacité d’un médicament. Afin d’éviter autant que faire se peut le fameux « effet placebo », le traitement peut-être en aveugle (le patient ignore ce qu’on lui administre) ou en double-aveugle (le médecin et le patient ne savent pas qui prend quoi).
Sauf que…
De plus en plus, la formulation des placebos utilisés devient de plus en plus secrète, au moins autant que la composition du médicament utilisé lors de l’essai clinique.
Dans le fameux (et très controversé…) essai clinique JUPITER comparant les effets de 20 mg de rosuvastatine (Crestor) chez des personnes en bonne santé à risque de maladies cardiovasculaires, la journaliste Maryanne Demasi a constaté que le taux de patients du groupe placebo ayant ressenti des douleurs musculaires était bizarrement plus élevé que dans le groupe placebo des autres essais sur les statines. Celle-ci a donc tenté de savoir qu’elle pouvait être la composition du placebo utilisé1.
Le compte-rendu de l’étude ne comportait aucune indication sur ce sujet ; le principal investigateur de l’étude (Paul Ridker) n’a jamais répondu à ses demandes ; l’Agence Européenne du Médicament n’a pas pu répondre, n’ayant jamais approuvé de statine seule ; le Medicines Evaluation Board (MEB) hollandais a bien reconnu qu’il détenait des données concernant l’essai JUPITER, mais après plusieurs demandes successives, ce dernier a reconnu ne pas avoir de données sur ce sujet ; l’autorité australienne de réglementation des médicaments (Therapeutic Goods Administration) a répondu que ces informations n’étaient pas disponibles au public sans autorisation du sponsor de l’étude (AstraZeneca) ; ce denier ayant finalement répondu que la journaliste pouvait faire une demande concernant ce sujet mais qu’elle ne pourrait pas partager les données avec des tiers sans restrictions, toute analyse du placebo devant être « pré-examinée » par la société pharmaceutique. Autrement dit, circulez, il n’y a rien à voir !
Omerta, quand tu nous tiens…
La journaliste fait aussi remarquer que dans certains essais cliniques, les termes employés peuvent prêter à confusion, tel le « matching placebo » (sans aucun autre détail) employé dans une étude sur un traitement contre la sclérose en plaques ou encore lorsque dans certains essais du Gardasil, le fabricant utilise un soi-disant « placebo » contenant du sulfate d’hydroxyphosphate d’aluminium amorphe (un adjuvant pour améliorer la réponse immunitaire) et garde la formulation secrète.
Omerta, quand tu nous tiens…
1 Maryanne Demasi : What’s in the placebo?
C’est une information absolument énorme. Eh oui, parce que l’invention de certaines maladies repose in fine en très grande partie sur le fait que le placébo est bien un placébo.
Exemple, on invente une maladie X qui en dehors des méthodes de détection et de traitement n’a aucune réalité clinique (ie. c’est le traitement, ou même la détection, qui provoque la maladie). On fait des études placébo vs traitement. Si les personnes qui prennent le placébo tombent malades, voire meurent malgré tout, alors, c’est bien que la maladie est réelle. Mais, si le placébo n’en est pas, alors, tout change.
Bien sûr, il y a la technique de prendre dans le groupe placébo des gens qui en réalité sont malades d’autre chose. Mais là, c’est encore mieux.
Merci pour ces précisions. Décidément il y a quelques problèmes de vocabulaire dans le monde de la santé.
Par analogie ça me fait penser aux médicaments sensés être réservés à la prévention secondaire : quand on discute avec des médecins on s’aperçoit que c’est une notion à géométrie variable.
Par exemple pour la cardiovasculaire. Certains diront que la prévention secondaire est après un infarctus ou un avc. D’autres diront que c’est en cas de présence d’un ou plusieurs facteurs de risque même sans évènement cardiovasculaire antérieur. Cela fait une sacrée différence de nombre de personnes concernées.
On peut donc avoir des médecins qui prescrivent des médicaments, jamais comparés à un vrai placebo neutre, donc dont on ne peut connaître l’effet réel en termes de bénéfices et de risques, à des gens qui n’ont donc aucun besoin de ces médicaments.
Heureusement ça n’arriverait pas par chez nous !
Ah si ? Quasi tout le temps ? 😉
La monde de la santé français peut se targuer d’être aussi corrompu que dans les autres pays…
Troublant tout cela…Moi qui pensais qu’un placebo était un simple comprimé de farine par exemple…
Une piste à creuser peut-être?
C’est ce que je pensais aussi, jusqu’à présent…