Et encore, je pèse mes mots sinon je risquerai d’être vulgaire !
Le Parlement européen, cédant au lobbying intensif des maisons de disques et autres associations du même acabit, vient d’adopter par 438 votes pour, 226 contre et 39 abstentions la proposition de directive relative aux droits d’auteur sur internet.
Il semblerait que les très controversés articles 11 (qui doit permettre aux journaux ou agences de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production) et 13 (qui oblige les plateformes et hébergeurs à analyser a priori les contenus mis en ligne par leurs utilisateurs afin de vérifier que ceux-ci ne sont pas illégaux ou n’enfreignent pas le droit d’auteur) ont été édulcorées dans le but d’exempter les petites et micro structures de ces obligations.
Je demande à voir… Combien de temps va durer l’exemption ? Connaissant l’appétit féroce des ayants droit, on peut légitimement se poser des questions…
Et je voudrais bien aussi que quelqu’un m’explique comment les robots vont faire pour diagnostiquer la différence entre une petite ou micro structure d’une moyenne. En outre, lorsque que l’on constate le nombre de faux positifs qui sont diagnostiqués, je me marre d’avance (il sera toujours temps de pleurer plus tard…). Même les députés européens du Front National ont eu à subir à tort les foudres des robots1 !
Même Pascal Nègre, un temps président-directeur général d’Universal Music France, pourtant jusqu’à présent ardent défenseur d’HADOPI et vil pourfendeur des vilains pirates qui télécharge illégalement et mange le pain des artistes, craint maintenant (comme quoi il a tourné sa veste…) que tout ceci devienne une « censure aveugle, automatique, systématique »2.
Maintenant, cette directive va faire l’objet de tractations entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Ces discussions auront lieu à huis clos, afin que le bas-peuple (bas-peuple qui, soit-dit en passant, paye les indemnités de ces guignols…) ne soit surtout pas mis au courant de ce qui s’y dit. Je ne doute pas un instant que les cabinets de lobbying représentant la SACEM et tous les autres connards vont s’en donner à cœur joie !
Bien évidemment, la SACEM a tenu à célébrer « une grande victoire pour la création, mais aussi pour la souveraineté européenne face aux partisans de la dérégulation. Rappelons la finalité de cette directive : des artistes, auteurs et interprètes toujours aussi visibles sur la toile, mais mieux rémunérés, et gardant un contrôle sur leurs œuvres, ainsi qu’un droit voisin pour la presse ». Il y a vraiment de quoi se marrer, notamment lorsque l’on connaît le train de vie de la SACEM qui se sucre allégrement sur le dos des artistes2 !
La ministre de la Culture, dont la connaissance d’internet frise le niveau zéro, a bien sûr émis ses félicitations : « Protéger les créateurs à l’heure du numérique, c’est garantir aux utilisateurs d’internet toujours plus de diversité et de richesse dans les contenus culturels. »
Même monsieur Macron (qui en sait sur ce sujet encore moins que la personne citée précédemment…) s’est fendu d’un tweet dithyrambique : « Une grande avancée pour l’Europe : le droit d’auteur protège, c’est notre liberté, notre information libre, notre création culturelle qui sont reconnues. Je suis fier que la France ait été à la pointe de ce combat. »
Une grande avancée, mon cul. Comme le craignent tous ceux qui œuvrent sur internet pour une information libre et partagée, c’est surtout un des derniers espace de liberté qui se réduit comme peau de chagrin.
Monde de merde !
- ZDNet : Directive Copyright : le parlement vote finalement en faveur du texte
- Numerama : L’Europe vote pour le filtrage des contenus et la taxe des liens : y a-t-il encore une chance de revenir en arrière ?
Edit du 13/09/2018 : Un article de la journaliste Tris Acatrinei qui explique bien les tenants et les aboutissements de cette loi à la con :
- ZDNet : Droit d’auteur en danger ?