Un lecteur vient de me signaler (merci à lui !) que la FDA a approuvé début décembre, en examen prioritaire, le Repatha (Evolocumab produit par Amgen) comme premier inhibiteur de la PCSK9 à prévenir les infarctus, les accidents vasculaires cérébraux et les revascularisations coronaires chez les adultes atteints d’une maladie cardiovasculaire établie. J’avoue humblement que cette info m’était passée sous le nez (des têtes vont tomber parmi mes informateurs…), aussi j’en profite donc pour faire un bref article sur ce sujet.
Un petit mot au sujet des procédures prioritaires de la FDA : normalement, la procédure d’approbation d’un médicament par la FDA prend entre 10 et 12 mois. Toutefois, à la demande d’un labo pressé de mettre son produit sur le marché, soit pour des raisons d’efficacité (le produit a prouvé qu’il sauvait de nombreuses vies) soit le plus souvent afin de prendre un peu d’avance sur la concurrence, une procédure accélérée peut-être envisagée. En effet, 6 mois d’anticipation sur la concurrence équivalent à plusieurs centaines de millions de dollars de chiffre d’affaires supplémentaire.
Cette demande n’est pas gratuite, celle-ci étant facturée en première main environ 2,8 millions de dollars (fin 2017)[1] on peut donc déjà considérer que cette mise sur le marché anticipée sera pourvoyeuse de gros profits… En outre, il existe un marché lucratif de ces bons d’examens prioritaires[2]. Regeneron et Sanofi ont déjà utilisé ce moyen en achetant un bon non utilisé par la société Biomarin afin demander la mise sur le marché anticipée de leur équivalent Alirocumab. Ce bon avait fait l’objet, en 2015, d’une transaction de 67 millions de dollars[3], c’est dire l’importance des enjeux…
Donc la FDA a approuvé, lors d’une procédure accélérée le Repatha, au vu des « excellents résultats » de l’étude Fourier.
Sans rire !
Soit ces messieurs de la FDA sont incompétents, soit ils sont aveuglés par les dollars d’AMGEN…
Un bref récapitulatif de ce que fût l’étude Fourier :
Celle-ci testait l’efficacité de l’Evolocumab sur la baisse du cholestérol et la réduction des maladies cardiovasculaires. Initialement prévue sur une durée de 4 ans, elle a été arrêtée prématurément au bout de 26 mois à cause du taux d’évènements qui était supérieur à ce qui était prévu. Je rappelle qu’aucune étude ne devrait jamais être interrompue avant son terme sauf si on observe une surmortalité ou un excès d’effets toxiques inattendus. Ceci n’étant pas le cas, leurs hypothèses devaient être sacrément pourries !
Une phrase extraite du rapport est aussi lourde de conséquences : « De même, chez FOURIER, l’ampleur de la réduction du risque par rapport au point final secondaire a semblé croître avec le temps, passant de 16 % au cours de la première année à 25 % au-delà de 12 mois, ce qui suggère que la réduction des taux de cholestérol LDL concernant les bénéfices cliniques cardiovasculaires nécessite du temps
». Alors pourquoi interrompre prématurément l’étude alors que les résultats commencent (soi-disant) à se faire ressentir ?
L’amorce d’une réponse : si l’on se réfère à la table S1 du Supplementary Appendix, on constate la progression spectaculaire de la mortalité dans le groupe evolocumab au cours du temps, celle-ci étant (Hasard Ratio, désolé, AMGEN ne daigne pas communiquer d’autres chiffres…) de -4% la première année mais en augmentation à +12 % au cours de la deuxième année. Je résume donc : nous avons un produit qui demande du temps pour faire preuve de son efficacité, en parallèle on constate une augmentation de la mortalité qui s’aggrave avec le temps et l’étude est arrêté prématurément au bout de 26 mois…
Quant à la réduction des maladies cardiovasculaires, celle-ci étant exprimée en pourcentages relatifs, les chiffres sont présentés de manière extrêmement avantageuse. Ramenés en pourcentages absolus, ceux-ci sont peu significatifs.
On passera brièvement sur le fait qu’Amgen à reconnu lui-même que « Bien que les conséquences néfastes des LDL-C très faibles n’aient pas été identifiées dans ces essais, les effets à long terme de niveaux très bas de C-LDL induite par Repatha ® sont inconnus
», sur les plus de 77 % d’effets secondaires indésirables (dont 25 % de graves), sur les 13 % de patients qui ont quitté l’étude (pourtant la sélection était rigoureuse !), sur les inévitables conflits d’intérêts dont notamment l’analyse des données confiée à un organisme soi-disant indépendant, mais à la tête duquel on retrouve les deux principaux investigateurs de l’étude. Ceux-ci bien évidemment rémunérés par la plupart des labos produisant des statines (dont… Amgen, bien sûr !). Tout ceci étant détaillé ici.
La HAS (Haute Autorité de Santé), pour sa part, a déclaré[4] : « Dans les hypercholestérolémies homozygotes, l’efficacité de REPATHA, en association à d’autres hypolipidémiants, a été démontrée uniquement en termes de réduction des paramètres biologiques (LDL-c). L’efficacité en termes de morbi-mortalité n’a pas été démontrée ».
Combien de temps va durer cette lucidité ? Vont-ils résister encore longtemps aux pressions ($$$) d’Amgen ?
L’avenir nous le dira, mais je ne suis guère optimiste…
5 réflexions au sujet de “la FDA à approuvé début décembre, en examen prioritaire, le Repatha pour la prévention des maladies cardiovasculaires”
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la présentation complète des résultats de Odissey outcomes est disponible (https://thefhfoundation.org/media/9amET-ODYSSEY-Outcomes-acc-2018.pdf), et montre comme pour Fourier des résultats positifs …avec des détails tout à fait intéressants (ça ne marche pas pour les femmes, si votre LDL est < 100 mg/dl et si vous habitez en Europe ou en amérique du sud….); reste à voir ce que dira l'EMA (ainsi que pour l'evolocumab)
Merci pour le lien (je me suis permis de le citer dans mon article Essai clinique ODYSSEY : le retour en fanfare (raté…) des inhibiteurs de PCSK9 !), mais ce n’est pas hélas le rapport complet. Je pense qu’il va falloir attendre un peu avant de voir surgir celui-ci…
En effet, vu la tentative désespérée du labo de présenter sous leur meilleur jour des résultats qui sont finalement minables, sans nul doute que le rapport final doit-être encore moins avantageux…
L’essai Odyssey Outcomes vient d’être présenté à l’ACC, et donne lui aussi 15%de baisse du critère principal, comme Fourrier, et lui aussi sans effet sur la mortalité CV. .., mais coup de chance, une baisse de mortalité totale de 0,6%. L’incohérence de ces résultats ne semble pas perturber le Pr Steg, mais cela n’est pas surprenant. …
Je n’ai pas encore eu le temps de décortiquer les résultats de l’essai Odyssey Outcomes, je me méfie toujours de la conclusion livrée par les labos… Quant au Pr Steg, ce monsieur est passé du statut de grand professeur qu’il était à celui de vil commercial à la solde des labos, pas étonnant qu’il chante les louanges des médicaments faisant baisser le cholestérol !
Un peu comme si on demandait aux marchant d’armes ce qu’ils pensent des conflits armés…
En fait, avec la méthodologie statistique utilisée, il faut observer 1 certain nombre d’événements. L’essai doit être arrêté lorsque ce nombre est atteint , et il serait inacceptable de le poursuivre . C’est la méthode employée dans tous ( ou presque ? )ces essais, et qui aboutit à des durées variables. Je suis d’accord avec vous concernant la mortalité, qui augmente la 2ème année, sans que cela questionne les reviewers. Sans parler du nombre de sujets à traiter pour éviter 1 événements, qui est de 67, donc beaucoup de sujets traités pour rien (et bien sûr, on ne sauve aucune vie, comme le montrent les chiffres de mortalité ! ),