Dans la plus grande discrétion, la loi sur « le secret des affaires » vient d’être voté à l’assemblée par 46 voix contre 20[1].
Déjà, nous sommes en droit de nous poser la question à quoi servent nos députés lorsque l’on constate que le vote d’une loi de cette importance ne réunit que 66 députés sur 577… Ce qui revient à dire que seulement 11,5 % des députés se sentent concernés (en bien ou en mal) par cette loi et que par conséquent 88,5 % de ceux-ci n’en ont strictement rien à foutre, préférant sans doute être grassement rémunérés grâce à l’argent de nos impôts pour rester bien au chaud chez eux, serrer des mains sur les marchés ou encore manger de grands restaurants (toujours à nos frais, bien évidemment…) plutôt que d’être présent afin de légiférer sur une loi d’une extrême importance et qui concerne ensemble des citoyens français.
En effet, grâce à cette loi, les ONG, journalistes, scientifiques, syndicats ou lanceurs d’alertes qui rendrait publiques des informations telles que les pratiques fiscales des entreprises, des données d’intérêt général relatives à la santé publique ou liées à la protection de l’environnement et à la santé des consommateurs s’exposeraient à une procédure judiciaire longue et coûteuse. Face aux moyens dont disposent les multinationales et les banques, la partie est perdue d’avance pour les lanceurs d’alerte qui oseront aviser leurs concitoyens sur les malversations d’une entreprise. La définition du « secret des affaires » étant si vaste que n’importe quelle information interne à une entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie. Autrement dit, l’affaire des Panama Papers ou LuxLeaks n’aurait jamais pu être divulguée, idem pour l’affaire d’évasion fiscale du groupe Kering appartenant à François Pinault[2] ; jugé coupable le magazine Challenge faisant état des difficultés économiques du groupe Conforama[32] ; coupable aussi le magazine Basta pour avoir divulgué sur le phénomène d’accaparement des terres en Afrique et en Asie de la part du groupe Bolloré[4] ; et dans un registre plus proche des préoccupations de ce site, coupable Irène Frachon pour avoir dénoncé le scandale du Médiator ainsi que ceux qui ont dénoncé l’affaire de la Dépakine, du Bisphénol A ou des implants PIP.
Lorsque l’on sait que cette loi a été voté suite à une directive de l’Union Européenne imposée suite un intense lobbying de la part d’un groupe de multinationales[5] comprenant, entre autre : Alstom, Michelin, Solvay, Safran, Nestlé, DuPont, GE et Intel, on est en droit de constater que ce n’est plus les gouvernements (quel qu’ils soient…) qui gère un pays mais plutôt les grosses industries et entreprises financières ; pour leurs plus gros profits et même si cela va à l’encontre des biens et de la santé des citoyens.
Je ne sais pas si le 20e siècle fut celui des lumières, mais on ne peut que constater que le 21e devient de plus en plus celui de l’obscurantisme !
Pour en savoir plus sur cette loi :
- Basta ! : La loi sur le secret des affaires est un danger pour nos libertés fondamentales
- Basta ! : La loi instaurant un « secret des affaires » passe en toute discrétion à l’Assemblée
- ↑Le Monde : La proposition de loi sur le « secret des affaires » adoptée à l’Assemblée
- ↑Mediapart : Le système Pinault: une évasion à 2,5 milliards d’euros
- ↑Observatoire des multinationales : La censure par la justice d’un article de « Challenges » réveille les craintes sur le secret des affaires
- ↑Basta! : Bolloré perd de nouveau son procès contre Bastamag
- ↑Observatoire des multinationales : Secret des affaires : les lobbies économiques poussent l’Union européenne à la régression