Allez, répétez après moi : les statines ne provoquent absolument pas de douleurs musculaires…

Lorsque les industriels souhaitent discréditer des études qui prouvent que leurs produits sont dangereux pour la santé, ils financent des contre-études dans lesquelles ils emploient des chercheurs rémunérés par eux et dont les conclusions sont inévitablement celles que les commanditaires souhaitent. On l’a vu avec l’industrie du tabac, du sucre et plus récemment avec les pesticides.

Afin de relancer les prescriptions de statines, la nouvelle tendance est de donc de tenter de prouver qu’une thérapie par statines n’est pas plus susceptible que le placebo de « provoquer » des effets secondaires indésirables chez la plupart des patients qui déclarent de tels symptômes alors qu’ils prennent ces médicaments. Autrement dit : les statines n’ont aucuns effets secondaires indésirables et ceux-ci seraient uniquement dus à l’effet nocebo.

Après l’étude SAMSON1, voici donc une nouvelle étude2 (STATINWISE) chargé de prouver cette fois-ci que les douleurs musculaires ne sont pas dues aux statines. D’après les auteurs de l’étude, la conclusion de celle-ci est sans appel : Aucun effet global de l’Atorvastatine 20 mg sur les symptômes musculaires par rapport au placebo n’a été constaté chez les participants qui avaient déjà signalé des symptômes musculaires graves lors de la prise de statines. La plupart des personnes ayant terminé l’essai avaient l’intention de reprendre le traitement aux statines.

Non mais sans blague, sur quel ton il faut vous le dire et le redire : les statines qui provoquent des douleurs musculaires ; C’EST DU PIPEAU, DE LA DÉSINFORMATION, DES RACONTARS DE COULOIRS D’HÔPITAL…

Sauf que… Sauf que…

Si l’on examine un peu plus attentivement cette étude, plusieurs éléments sont suffisamment troublants pour remettre en cause cette (trop) magnifique assertion.

  • La durée totale de l’essai était d’un an pour chaque participant et comprenait six périodes de traitement de deux mois alternant statines et placebo. Autrement dit, le meilleur moyen pour diminuer les effets secondaires des statines, les douleurs musculaires n’apparaissant pas systématiquement dès la prise de statines, mais souvent au bout d’un certain temps et l’interruption du traitement permettant de réduire celles-ci.
  • Les participants prenaient de l’Atorvastatine à dose de 20 mg, soit quasiment la dose la plus faible (les doses sont de 10, 20, 40 et 80 mg). Les effets secondaires (et surtout les douleurs musculaires) étant dose dépendant, encore un autre moyen d’en minimiser les effets.
  • Bien que les auteurs aient enrôlé 200 patients ayant des antécédents de myalgie attribuable aux statines, seuls 151 patients ont été inclus dans l’analyse (16 ayant d’ailleurs abandonné pour douleurs intolérables…).
  • Sur ces 151 patients, 37 ont disparus des écrans radars (dont là aussi 16 ayant abandonné à la suite de douleurs intolérables…).
  • Sur les participants restants, 74 (66 %) ont déclaré qu’ils avaient l’intention de reprendre des statines. Intention ne signifie pas certitude et il en reste tout de même 34 % qui n’en avaient pas l’intention. Ce qui est loin d’être un franc succès puisque sur les 200 participants initiaux, il en reste quand même 63 % qui ont carrément refusé de reprendre des statines.
  • En outre, les doses Atorvastatine prescrites était faible (20 mg/j), comment peut-on supposer que des doses intensives de 40 à 80 mg par jour seraient moins problématiques ?
  • L’étude n’a utilisé Atorvastatine qu’à dose faible-moyenne sur un petit échantillon de patient et a ensuite extrapolé à toutes les statines, à toutes les doses et pour toutes les personnes. Les douleurs musculaires se produisent toujours et sont ressenties comme étant à la fois spécifiques à la statine et à la dose (La FDA a d’ailleurs demandé l’abandon de la posologie quotidienne de Simvastatine de 80 mg en raison du risque accru de troubles musculaires et même de rhabdomyolyse3…).
  • D’après ce que j’ai pu comprendre, de nombreux patients ont peur d’affronter leur cardiologue sur le sujet des statines. Dans le cadre de cette étude, les patients étaient suivis et fortement encouragés à reprendre des statines. Une fois que les cardiologues ne seraient plus derrière eux à « pousser à la roue », pas sûr que la conclusion reste la même…

Bref, rien de nouveau sous le soleil…

 

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