Sur le ton de la plaisanterie, nous disions souvent que nous étions « frères de planche », car nous avions le même niveau et la même façon de naviguer. J’étais un poil plus rapide en ligne droite, tu étais légèrement plus rapide dans les jibes1. Mais nous avions une passion commune pour les vagues.
Je me souviens de nos crises de fou rire lorsque, ayant profité de la vague jusqu’au plus près du bord, nous nous retrouvions à patauger dans les posidonies. Je me souviens aussi de nos sourires en fin de session quand tu me sortais ta phrase préférée « là, on a vraiment pris le meilleur ».
Tu savais aussi me recadrer gentiment si je râlais parce que la session n’avait pas été aussi bonne qu’espérée. Ta maladie te donnait certainement une certaine philosophie de la vie.
Pudique, tu parlais peu de celle-ci. Au fil de nos sessions, tu t’es parfois laissé aller à quelques confidences et j’ai bien senti que tu ne te faisais aucune illusion sur l’issue de ta maladie qui te laissait de plus en plus affaibli à chaque opération. Pourtant, dès que ton état de santé te le permettait, tu étais toujours présent dès que le vent était là.
Nous n’étions pas vraiment amis, je pense que tu cherchais à protéger tout le monde, mais simplement deux windsurfers qui partageaient une même passion.
Mercredi, tout le monde était unanime pour reconnaître que les conditions étaient exceptionnelles : vent régulier et belle houle. Pendant une heure, celle-ci a encore forci. Ce fut une heure de pur bonheur.
Yann, il m’arrive régulièrement de penser à toi, mais là tu m’as particulièrement manqué…
1 Manœuvre de funboard qui permet de virer en gardant un maximum de vitesse