Les études cliniques sont une étape cruciale dans le développement et la commercialisation d’un médicament. D’abord, elles sont obligatoires puisque aucun médicament, breveté ou générique, ne peut être commercialisé sans avoir été testé chez des sujets humains. De plus, c’est à l’étape des études cliniques que l’on peut mesurer la véritable efficacité et innocuité du médicament et, par conséquent, son potentiel de commercialisation. Ces études sont souvent effectuées après des études expérimentales non-cliniques (sur des modèles animaux ou cellulaires) pour confirmer leur pertinence et leur sécurité.
Les essais cliniques se divisent en quatre phases :
- Phase 1 : Essais sur volontaires sains pour juger de la sécurité d’emploi du médicament
- Phase 2 : Essais sur des petits groupes de malades pour analyser l’activité du futur médicament en termes d’effets dose-réponse
- Phase 3 : Essais multicentriques qui permettent de confirmer l’efficacité du médicament comparativement aux traitements existants ou à un placebo
- Phase 4 : Essais effectués après la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché, réalisés dans des conditions proches de la médecine de ville
Entre la découverte d’une molécule et la dernière phase de test précédent sa commercialisation, il peut se passer entre 10 et 15 ans. Ce qui signifie que l’investissement pour un labo est conséquent et donc celui-ci souhaite un résultat à coup sûr afin de rentabiliser les quelques centaines de millions d’euros (ou de dollars) investis.
Ce qui peut parfois (souvent…) mener à certaines dérives
- Plus de la moitié des études ne sont pas publiées[1] : ce sont essentiellement les résultats négatifs (qui n’arrivent pas à prouver une supériorité du médicament testé, par exemple) qui sont dans ce cas, ce qui peut parfois fausser la perception qu’on peut avoir de la réelle efficacité du-dit médicament…
- Une industrie pharmaceutique qui finance et produit une étude est par conséquent juge et partie, ce qui peut mener à des dérives : le labo tenant absolument à ce que son médicament obtienne l’autorisation de mise sur le marché peut être tenté de manipuler les résultats[2] (entre autres compromissions…) même si l’efficacité n’est pas au rendez-vous (voir entre autre l’affaire du VIOXX)[3]. Une étude parue dans The American Journal of Cardiology reconnaît même que les essais financés par les industries pharmaceutiques fournissaient des résultats 4 à 7 fois plus favorables que celles financés par les NIH (National Institutes of Health) et étaient aussi beaucoup moins susceptibles de déclarer les effets secondaires[4] !
- Une sélection rigoureuse des patients est effectuée afin de n’admettre que ceux qui ont le maximum de chance de réagir positivement au produit, et par là-même de ne pas retenir ceux qui risqueraient d’influer négativement les résultats finaux de l’essai clinique.
- Afin d’économiser sur ces études, de nombreux labos sous-traitent sous-traitent leurs tests cliniques en vue d’obtenir des autorisations de mises sur le marché (AMM) à des entreprises privées spécialisées. Ce qui, hélas n’est pas non plus un gage de qualité : en mai 2010, la Food And Drug administration (FDA), a fait une descente dans les labos de la société Cetero Research[5] et à mis à jour un « système de falsification généralisé ». Entre avril 2005 et juin 2009, les biologistes désignés comme responsables d’essais cliniques étaient tout simplement… absents de leur labo, au moment où ils étaient pourtant censés mener les tests. Une étrange situation qui s’est reproduite… 1900 fois ! Comme si ça ne suffisait pas, la FDA estime aussi que Cetero a modifié a posteriori les résultats de ses études pour parvenir à la bonne conclusion : que le médicament évalué était sacrément efficace et totalement sans danger…
D’ailleurs, même le très sérieux British Medical Journal (BMJ) se pose la question : « Doit-on continuer à publier les études financées par l’industrie pharmaceutique ? »[6] Ce qui laisse entrevoir l’étendu du problème !
Les biais dans les études cliniques
Les possibilités de biais dans les études cliniques peuvent être multiples :
- La majorité des essais cliniques des hypocholestérolémiants (pour ne pas dire tous…) sont effectués dans des pays à forte mortalité cardiovasculaire (Écosse, Royaume Uni, Irlande, USA) et sont de ce fait extrapolés vers la population française qui, elle, peut s’enorguellir d’un taux de mortalité cardiovasculaire parmi un des plus faibles d’Europe.
- La plupart des études ne comportent que des hommes et une extrapolation des résultats est fait pour les femmes.
- La majorité des essais cliniques comportent une phase de « run-in » au cours de laquelle les futurs patients vont être soumis soit à un placebo soit à un principe actif. Ce qui permet, dans ce dernier cas, d’exclure de l’essai clinique tous les patients qui ne réponde pas ou mal au traitement, ou encore ceux chez qui les effets secondaires sont trop importants[7]… Vous me suivez ? Ne resteront dans le protocole que ceux qui sont susceptible de mieux réagir au traitement avec une prévision minime d’effets secondaires indésirables ! C’est pour ça qu’en général les effets secondaires dans les essais cliniques sont si peu élevés et très loin de la réalité du quotidien des patients…
Les labos trichent aussi lors de la publication des résultats
Concernant les résultats des études, seuls les résultats finaux (communiqués par les labos) sont bien souvent repris dans de nombreuses publications. Ainsi, on peut lire en boucle que telle nouvelle molécule révolutionnaire possède 20% d’efficacité et est « le remède ultime » contre telle maladie.
Déjà l’efficacité est exprimée en pourcentage relatif et comme je l’ai expliqué précédemment (voir page Pourcentages relatifs / absolus), rien ne peut être plus trompeur (et avantageux pour les labos) que ce mode de calcul.
Ensuite il convient de décortiquer soigneusement toute l’étude afin de découvrir tout ce qui n’est pas cité dans la conclusion : les effets secondaires trop importants qui font que de nombreuses personnes quittent l’étude, les résultats nettement moins performant qui sont masqués (comme dans le cas de l’ézétimibe : légèrement moins de décès par maladies cardiovasculaires, mais plus d’AVC, ou de cancers… ce qui fait que la mortalité globale est plus importante !). On y découvre même des perles, comme par exemple (il faudrait que je retrouve l’étude dans laquelle j’y ai vu ce passage…) : Dans le cadre de cette étude, notre médicament n’a pas fait preuve d’efficacité vis-à-vis des maladies cardiovasculaire, mais comme d’autres études ont démontré le contraire, on peut dire que ce nouveau produit est une avancée importante pour la prévention des maladies cardiovasculaires…
. Si, si, je vous jure que je l’ai lu dans le compte-rendu d’une étude !
Si vous souhaitez approfondir les aspects des essais cliniques et leurs biais…
je vous propose deux articles très intéressants sur ce sujet :
- La vérité sur le cholestérol : Les pièges des essais cliniques – Les comprendre
- Wikipédia : Essai clinique
- ↑PLOS Medecine : Trial Publication after Registration in ClinicalTrials.Gov: A Cross-Sectional Analysis
- ↑Le nouvel observateur : Laboratoires pharmaceutiques : je rémunérais des médecins pour vendre des médicaments
- ↑John Virapen, “Médicaments effets secondaires : la mort”, Cherche Midi, 2013 – Chapitres sur les scandales du Bénoxaprofène, du Vioxx et du Prozac
- ↑The American Journal of Cardiology : Impact of Funding Source on Clinical Trial Results Including Cardiovascular Outcome Trials
- ↑Les moutons enragés : Médicaments : des études bidonnées validées par les autorités sanitaires, les pilules toujours en vente libre…
- ↑BMJ : Should journals stop publishing research funded by the drug industry ?
- ↑ACAMEDIA : Avantages et inconvénients des phases de run-in dans les essais cliniques
Dernière modification : 2020-12-24